La remise d’une épreuve imprimée numérique, contrôlée conforme à la norme 12647-7, scelle le contrat entre créateur, donneur d’ordre et imprimeur. Elle représente aussi un formidable outil de précision pour guider le conducteur offset pendant le tirage.
La norme ISO 12647-2 se contente de définir les couleurs solides des primaires, ainsi qu’une courbe d’engraissement standard du point de trame imprimé en offset. Ces valeurs de base sont à respecter selon certaines tolérances dont les dérives peuvent se compenser pour se rapprocher du rendu de l’épreuve, ou s’accumuler et s’éloigner de ce rendu. Seule l’épreuve contractuelle imprimée respecte selon une très faible marge d’erreur le standard colorimétrique (l’espace de travail CMJN) selon lequel le graphiste a travaillé et que le donneur d’ordre a validé. Elle est donc indispensable pour que le conducteur offset puisse exercer sa mission, même si l’encre, le papier et la presse offset sont parfaitement aux normes.
Aujourd’hui, l’épreuve contractuelle certifiée est généralement imprimée sur un système jet d’encre. Elle doit simuler la trame (linéature et angle de trame) de l’impression finale, seule façon d’estimer la netteté et de déceler un éventuel moiré des images (provoqué par le tramage de la photo d’une chemise à carreaux par exemple). Si l’impression finale doit s’effectuer selon un tramage FM (stochastique), point n’est besoin de le simuler sur l’épreuve, car le système jet d’encre imprime lui aussi selon un procédé approchant. Sur l’imprimante à jet d’encre, les quatre couleurs primaires CMJN sont le plus souvent renforcées par des couleurs « light ». C’est ce qui permet de rendre la finesse des dégradés dans les hautes lumières et dans les tons pastels ou les tons chairs tout en simulant un point de trame. La colorimétrie des pigments des encres primaires de l’imprimante étant différente de celle des encres offset, il ne serait pas possible de rendre compte correctement de ces tons par de simples points de trame CMJN.
La simulation du point de trame oblige l’imprimante à une certaine résolution, 2440 ppp est un minimum. Elle doit être en mesure également de simuler les plus petits points copiables de l’offset (3 % et 97 % pour une linéature de 150 lpp selon l’ISO 12647-2).
La stabilité, autant que la précision des couleurs, est la qualité à rechercher pour un système d’épreuvage. Stabilité géométrique : le système doit être en mesure d’imprimer uniformément un gris neutre CMJ sur l’ensemble de son format. Stabilité des tirages : les couleurs doivent être naturellement stables des premières aux dernières pages d’un ouvrage ou d’une publication. Stabilité dans le temps : d’un jour à l’autre et d’une saison à l’autre le rendu des couleurs doit être le même. La technologie jet d’encre alliée à une bonne gestion des couleurs et un calibrage régulier répond pleinement à ce cahier des charges.
Le contrôle de la colorimétrie doit être systématique pour que l’épreuve soit conforme ISO 12647-7. En Europe, chaque épreuve doit comporter la charte Ugra/Fogra Media Wedge CMYK, imprimée parallèlement au rail de la tête d’impression. Cette charte doit être mesurée par un spectrophotomètre conforme à l’ISO 12647-1 (l’Eye One Pro d’X-Rite en général) et donner lieu à l’édition d’une étiquette de certification mentionnant les valeurs de ∆E et de ∆h à respecter et celles effectivement mesurées, le profil source utilisé qui définit les conditions standard d’impression (Fogra 39 par exemple) et la date du tirage.
La charte de contrôle qui accompagne systématiquement l’épreuve permet à quiconque de vérifier l’authenticité de la certification, pour peu qu’il dispose d’un spectrophotomètre et soit en mesure de calculer les ∆E.
Les tolérances à respecter sont les suivantes :
– La moyenne des ∆E CIELAB mesurés sur l’ensemble des échantillons doit être inférieure ou égale à 3 avec une différence maximale autorisée inférieure ou égale à 6 ;
– La déviation maximale, constatée dans les primaires C, M, J, N (calculé en ∆E CIELAB), doit être inférieure ou égale à 5 ;
– Le ∆H (Delta Hue, différence de la teinte) moyen sur les primaires doit être inférieur ou égal à 2,5 ;
– Le ∆H moyen mesuré sur les échantillons gris CMJ doit être inférieur ou égal à 1,5.
– Le ∆E CIELAB mesuré sur l’échantillon de simulation du papier doit être inférieur ou égal à 3.
Le large gamut de l’imprimante jet d’encre englobe le gamut des conditions d’impression standard sur papier couché le Fogra 39. À plus forte raison, elle englobe les gamuts des autres conditions standard d’impression sur papier non couché ou sur papier journal. Lors de l’impression des épreuves, l’espace colorimétrique de la condition d’impression standard retenue est simulé, c’est à dire en quelque sorte « projeté à tel » sur celui de l’imprimante jet d’encre. Pour cela la conversion ICC s’effectue selon le mode de rendu Colorimétrie absolue, du profil référençant les conditions d’impression standard, vers le profil de l’imprimante et du papier d’épreuvage dont la blancheur et la brillance sont aux normes ISO 12647-7. En mode Colorimétrie absolue, le blanc n’est pas l’absence d’encre, mais est considéré comme une couleur parmi les autres. En d’autres termes, le blanc de l’espace standard d’impression (le blanc du Fogra 39 par exemple) est reproduit par des points d’impression sur l’épreuve certifiée. C’est ce qui donne à cette dernière sa redoutable précision colorimétrique, affirmée par les très faibles valeurs de ∆E tolérées par la norme. Ces deltas sont, de fait, quasi impossible à respecter dans le cadre d’un tirage offset en production. L’épreuve certifiée est de la sorte un objectif pour le conducteur offset, elle lui indique le cap à tenir par delà tous les instruments optiques (densitomètre et spectrophotomètre) dont il peut disposer pour l’aider dans sa tâche.