Moniteurs et épreuvage logiciel

Du photographe à l’opérateur prépresse et bientôt jusqu’au conducteur offset, le moniteur est la principale interface entre le professionnel de la chaîne graphique et son ouvrage avant l’impression. Le développement des technologies autorise désormais son emploi comme système d’épreuvage. C’est le soft proofing ou épreuvage logiciel.

L’épreuvage logiciel consiste à simuler sur l’écran d’un moniteur l’aspect précis d’une épreuve imprimée. Les caractéristiques du moniteur doivent pour cela répondre à un cahier des charges précis édicté par la norme ISO 12646:2008 amendée en 2010.

La qualité première d’un moniteur pour l’épreuvage logiciel est bien sûr sa capacité à reproduire l’ensemble des couleurs de l’épreuve imprimée. Le gamut du moniteur doit donc contenir celui défini par les valeurs du Fogra 39 L, référence de l’impression offset normalisée sur papier couché. Un moniteur de ce type est dit « à large gamut » (Wilde gamut).
Sa faculté à représenter correctement une gamme de gris neutre devra être contrôlée de façon à s’assurer qu’entre les trois points saturés Rouge, Vert et Bleu, l’ensemble des nuances colorées s’affichera correctement. Le ∆ab (la différence en termes de chromaticité) des plages de la gamme ne doit pas excéder 3.

shema gamut moniteur epreuve logiciel

L’écran doit aussi être stable dans le temps. C’était là le talon d’Achille des moniteurs CRT (à tube cathodique) dont les couleurs variaient souvent au cours de la journée de travail au fur et à mesure que l’appareil montait en température. Les moniteurs LCD (à cristaux liquides) actuels sont heureusement beaucoup plus stables. Leur propre point faible concerne l’angle de vue. La perception des couleurs est en général modifiée, même sur des moniteurs de qualité, à partir d’une incidence de 20°, ce qui pose problème lorsque l’épreuve logicielle doit être simultanément visualisée par plusieurs individus.

Soft proofing ou epreuvage logiciel

Le calibrage.
Il est préférable que le moniteur soit doté de son propre système de calibrage OSD (pour On Screen Dysplay) plutôt de s’en remettre à la LUT (Lookup Table ou tableau de réglage) de la carte graphique de l’ordinateur. C’est ce qui différentie le calibrage matériel d’un calibrage logiciel. Dans le premier cas, une fois le calibrage terminé, les 256 niveaux de chaque canal RVB sont disponibles pour coder les couleurs. Dans le cas d’un calibrage logiciel, pour obtenir la bonne température du point blanc, force est d’abaisser la luminosité maximale d’un ou de deux canaux en écrêtant les niveaux supérieurs codés par la carte graphique. La couleur n’est donc plus codée sur 256 niveaux, mais, par exemple, sur 200 ou moins ce qui a pour effet de brider la finesse des dégradés.

• Point blanc.
La température de blanc à respecter pour calibrer son moniteur selon l’ISO 12646 est de 5 000 K correspondants à l’illuminant standard de la CIE D50. Ce n’est pas une température aisée à atteindre pour un moniteur. S’y contraindre implique notamment d’abaisser considérablement l’intensité lumineuse du canal du Bleu.
Le comité technique de l’ISO TC 130 reconnaît que, l’oeil du professionnel faisant lui même sa propre balance de blanc, le fait de travailler sur un moniteur dont le blanc affiche une température de 5500 K (D55) voire même 6500 K (D65) n’est pas perturbant. Il n’est que lorsque l’on veut afficher strictement sur le moniteur le rendu d’une épreuve imprimée exposée à la lumière d’une cabine lumineuse que les 5000 K sont impératifs, car il sont la règle de l’ISO 3664:2000 qui dicte les spécifications des conditions d’examen visuel de notre industrie. En pratique, le mieux est encore de mesurer précisément la température de blanc de la lumière générée par la cabine lumineuse et réfléchie par une feuille de papier d’épreuve vierge (blanc) et de paramétrer à l’identique le moniteur. Le but est de permettre à l’oeil de l’observateur de faire la même balance de blanc lorsqu’il pointe sur la cabine lumineuse que lorsqu’il regarde le moniteur. Car de toutes les façons, une fois le moniteur caractérisé, le point blanc de l’épreuve qu’il affiche est celui des données de caractérisation CMJN retenues, soit par exemple le point blanc du Fogra 39 qui diffère passablement tant des 5000 K que des 6500 K.  

• Format.
Bien que l’ISO 12646 se contente de valeurs moindres (43 cm de diagonale pour 22 cm de hauteur), il est conseillé de s’équiper d’un moniteur à même d’afficher deux pages A4 juxtaposées (42 cm de large pour 30 cm de haut).

• Résolution.
La résolution minimale retenue est de 1280 x 1024 pixels .

Uniformité.
La dalle du moniteur doit être suffisamment uniforme. Le différentiel en termes de luminosité ne doit pas excéder 5 % entre le centre de l’ écran et ses bords.

Luminosité.
Le point noir d’une image affichée doit différer du noir de l’écran éteint. La norme précise que la luminosité du point noir de l’écran allumé ne doit pas dépasser de plus de 200 % celle de l’écran éteint (les bords noirs de la dalle).

Contraste.
Le moniteur d’épreuvage doit être en mesure d’afficher un point blanc, au moins 100 fois plus lumineux que son point noir. En d’autres termes, si le contraste de l’écran est réglé sur 140 cd/m2 (candelas par mètre carré), la luminosité du point noir doit être de 140/100 soit 1.4 cd/m2.
La norme recommande d’adopter une luminosité élevée (160 cd/m2), lorsque l’on veut comparer les couleurs d’une image affichée à l’écran avec celle d’une épreuve sous l’éclairage dense d’une cabine lumineuse de bureau (entre 375 et 625 lx, selon l’ISO 3664:2000). Mais travailler toute une journée, les yeux braqués sur un moniteur réglé de cette façon, n’est pas forcément une partie de plaisir ! Tant pour les yeux des opérateurs que pour la durée de vie du moniteur, une luminosité de 120 cd/m2 est à recommander.

En pratique on peut procéder de la façon suivante si le moniteur est équipé de ses propres réglages de contraste et de luminosité :
attendre deux heures après la mise en marche du moniteur de façon à ce que celui-ci ait eu le temps de se stabiliser ;
régler la luminosité de façon à ce que le point noir de l’écran allumé se distingue tout juste du noir de l’écran éteint (les bords noirs du bord de la dalle). Le point noir de l’écran se doit d’être distinct du noir de l’écran éteint sous peine de rogner l’affichage des basses lumières ;
affichez en plein écran une image entièrement blanche et réglez le contraste de façon à ce que, visuellement, le moniteur éclaire à l’identique d’une feuille de papier d’épreuvage vierge (blanche) éclairée par la cabine lumineuse (entre 400 et 500 lux).  Notez que plus l’éclairage ambiant de la pièce sera fort, plus vous devrez régler haut le point blanc de votre moniteur.

Gamma.
Le choix d’un gamma particulier lors du calibrage de l’écran avait un sens avant la généralisation de la gestion numérique de la couleur, lorsque l’on utilisait des écrans à tube cathodique (CRT). Il s’agissait de la fonction de puissance (fonction de transfert) utilisée pour contrebalancer la non-linéarité de la réponse des phosphores soumis au flux d’électrons. On faisait ainsi varier de façon non linéaire l’énergie transmise au canon à électron en fonction du niveau de luminosité que l’on souhaitait obtenir. Dans la mesure où la technologie des moniteurs LCD se généralise, ce besoin ne se fait plus sentir. On continue cependant à régler la réponse lumineuse des canaux en particulier, car la sensibilité de l’oeil humain à la lumière n’est pas non plus linéaire. Pour obtenir une représentation uniforme de la vision humaine des couleurs, l’espace CIE L*a*b* utilise lui aussi une fonction de puissance (gamma) pour calculer la luminance L*. Certains logiciels de calibrage de moniteur proposent d’ailleurs d’adopter ce gamma « L » plutôt qu’un gamma de 1,8 (traditionnel pour les anciens Mac) ou 2,2 (traditionnel sous Windows).
Dans les faits, lorsque l’on caractérise son moniteur en établissant son profil ICC et que l’on emploie des logiciels compatibles avec cette technologie (les logiciels graphiques professionnels le sont tous), les couleurs s’affichent à l’identique sur des moniteurs paramétrés selon différents gamma. Le choix d’un gamma 1.8, 2.2 ou L n’a donc plus guère d’importance. La norme ISO 12646 indique seulement que le gamma du moniteur doit être réglé entre 1.8 et 2.4.

Caractérisation
Une fois le moniteur calibré, c’est à dire pour ce qui nous intéresse paramétré selon les spécifications de l’ISO 12646, le moniteur doit être caractérisé et son profil ICC réalisé.
Les profils sont stockés dans les répertoires et dossiers suivants :
sous Windows : C: windows system32 spooldriverscolour ;
sous Mac : Bibliothèque (du disque ou utilisateur)/ColorSync/Profiles.

Le logiciel de caractérisation installe de lui-même le profil au bon endroit et paramètre l’ordinateur pour en tenir compte. Notez que si vous souhaitez installer d’autres profils ICC sous Windows vous devez effectuer un clic droit sur son icône et choisir le menu « Installer un profil ».

calibration et caracterisation moniteur graphique

À partir de l’instant où votre moniteur est caractérisé et où votre ordinateur est correctement paramétré et les logiciels utilisés compatibles, les couleurs sont automatiquement converties depuis le profil d’origine de l’image (où celui par défaut du logiciel, si l’image n’est pas balisée) vers le profil de votre moniteur selon le mode de rendu Colorimétrie absolue. Lorsqu’un logiciel dispose de fonctions avancées d’épreuvage logiciel à l’instar d’Adobe Photoshop, il effectue de fait deux conversions simultanément. La première depuis le profil d’origine (RVB ou CMJN) vers le profil de simulation (par exemple Fogra 39) le plus souvent selon le mode de rendu Colorimétrie relative ou Perceptuel (ce dernier ne peut s’utiliser que pour les fichiers RVB), la seconde depuis le profil de simulation vers le profil du moniteur selon le mode de rendu Colorimétrie absolue.
Il est donc essentiel de baliser systématiquement les images avec leur profil ICC, où dans le cas de l’affichage d’un fichier PDF CMJN de lui attribuer correctement un profil d’intention conformément aux normes PDF/X.

Éclairage ambiant
L’éclairage ambiant aux alentours du moniteur d’épreuvage logiciel revêt une importance particulière en ce qu’il ne doit pas interférer quant à la balance des blancs que l’oeil humain fait automatiquement et inconsciemment lorsqu’il visualise l’écran.
Pour cette raison, l’éclairage ambiant doit être tamisé, selon une température approchant les 5000 K. Du fait de la prépondérance des écrans de technologie LCD, le seuil draconien de 32 lux préconisé dans la première version de la norme ISO 12646 a été relevé en 2008. Une fourchette de 50 à 200 lux est désormais admise selon l’intensité lumineuse selon laquelle est réglé votre écran.
Il faut bien entendu se garder de l’éclairage direct du soleil, persiennes ou rideaux sont obligatoires. Enfin, on prendra soin si possible d’orienter le moniteur parallèlement aux fenêtres de l’atelier tout en le couvrant d’une casquette pour éviter les reflets intempestifs. Notez qu’un audit de certification vérifie jusqu’à la couleur des vêtements portés par les opérateurs, des couleurs vives dans leur champ de vision (habits, poster…) sont vivement déconseillées.

Un moniteur calibré pour quel usage ?
Les spécifications de la norme ISO 12646 sont draconiennes et nécessitent un investissement certain bien que le prix des moniteurs à large gamut ait sensiblement baissé ces dernières années. Si ces règles normatives doivent être scrupuleusement respectées pour disposer d’un outil d’épreuvage logiciel de référence, elles peuvent être adaptées pour les autres postes de la chaîne prépresse. Ainsi le gamut, la température de blanc et le contraste peuvent être spécifiés selon une tolérance plus ample pour les postes de mise en page ou ceux réservés aux travaux réclamant une moindre qualité chromatique. En tout état  de cause, l’Ugra, le centre de compétence suisse pour les technologies de média et de l’imprimerie, édite un logiciel de contrôle UDACT (pour Ugra Display Analysis and Certification Tool) qui s’utilise avec le spectrophotomètre i1 Pro d’X-Rite. Cet outil diagnostique la réponse de votre moniteur aux normes en contrôlant ses couleurs, son uniformité et l’éclairage ambiant et génère un rapport détaillé.

UDACT Ugra Display Analysis and Certification Tool

Branche Imprimerie ?

Formez-vous en 2024 à la “couleur” !

Les projets sont finançables à 100% par l’OPCO-EP.