Pour reproduire des couleurs de la nature, une presse offset utilise des encres cyan, magenta, jaune et noire. Cette méthode, connue sous la dénomination de quadrichromie, occupe une place à part du point de vue de la colorimétrie. En effet, le Noir, connu pourtant comme étant « une absence de couleurs », peut paradoxalement jouer un rôle primordial dans le rendu même de la couleur.
Du point de vue de la physique, le Cyan, le Magenta et le Jaune suffisent à restituer l’ensemble du cercle chromatique. Ce procédé, appelé trichromie, fut d’ailleurs mis en oeuvre avec succès par d’autres techniques d’impression que l’offset comme la typographie, l’héliogravure ou encore la photographie argentique. La trichromie n’est jamais qu’une application particulière des théories de la couleur des physiciens Young et Maxwell que nous avons déjà rencontrés.
De la trichromie à la quadrichromie
La raison principale de la présence du Noir dans l’impression offset réside dans le fait que l’encre, déposée sur le papier par les blanchets de la presse, n’est jamais pure. Elle a en effet été mélangée sur la plaque offset à de l’eau de mouillage. C’est pourquoi il n’est pas possible d’obtenir un Noir offset suffisamment dense par la simple superposition des encres cyan, magenta et jaune.
Initialement, la présence du Noir n’était prévue que pour renforcer les tons sombres dans les extrêmes basses lumières d’une quadrichromie. La couche du Noir était alors dite squelettique. La courbe du Noir dans la séparation démarrait très tard et montait vite en verticalité.
Puis on a utilisé le Noir comme un substitut au mélange de Cyan, Magenta et Jaune, à part sensiblement égales, pour rendre compte des tons gris. La courbe du noir partait alors plus tôt, mais ne montait toujours en puissance que dans les basses lumières. Ce procédé fut appelé UCR (pour Undercolor Removal).
Enfin fut inventé le procédé dit GCR (pour Gray Component Replacement). Là le Noir est pris comme une composante à part entière de la couleur. Par définition, toute couleur trichromatique est composée pour partie d’une part sensiblement égale de Cyan, de Magenta et de Jaune. Or cette part sensiblement égale est assimilable à du gris. On peut donc théoriquement remplacer cette part de la couleur, dite achromatique, par du Noir. Dans la séparation, la courbe du Noir peut donc partir très tôt et monter rapidement en puissance.
Outre l’avantage économique, l’encre noire étant moins chère que les encres de couleurs, les séparations UCR et surtout GCR présentent l’intérêt de favoriser la stabilité des tirages offset. La balance des gris est en effet plus facile à obtenir et à maintenir lorsque les gris sont dus à l’encre noire plutôt qu’à un équilibre toujours précaire d’encres cyan, magenta et jaune.
Principe du GCR
Colorimétrie CMJN
En colorimétrie, l’utilisation de quatre encres « primaires » au lieu de trois donne sa spécificité à l’espace chromatique CMJN.
En quadrichromie nous venons de le voir, contrairement aux procédés trichromiques RVB ou CMJ, plusieurs valeurs CMJN sont perçues par l’œil humain comme une seule et même couleur. Cela signifie que, si chaque valeur CMJN pointe sur une valeur LAB (ou XYZ) et une seule, une valeur LAB (ou XYZ) correspond, en revanche, à plusieurs valeurs CMJN.
La présence de Noir dans l’impression quadrichromique implique donc qu’un profil ICC, décrivant une impression CMJN, ne se contente pas de définir l’espace chromatique CMJN lui-même, mais décrit également le comportement du Noir. En clair, un profil CMJN dicte quelle courbe du Noir sera utilisée lors d’une séparation CMJN utilisant ce profil. Ce choix du comportement du Noir, et la réalité de la courbe du Noir résultante dépendent du logiciel de création utilisé pour la création du profil ICC CMJN et des paramètres choisis par le technicien lui-même. La création d’un profil ICC CMJN ne relève pas uniquement de la science de la colorimétrie, mais aussi du métier de photograveur.