Toute norme est amenée à évoluer. Il en va de sa fonctionnalité même. Rien de surprenant donc à ce que l’ISO 12647-2, actuellement au centre des processus de standardisation offset (PSO), ait vu poindre en décembre 2013 un nouveau millésime.
Pour autant, pas d’affolement, cette évolution majeure est encore en phase d’expérimentation et de définition industrielle. Avant de voir l’ISO 12647-2:2013 se concrétiser en « bonnes pratiques », les imprimeurs devront disposer des instruments (données, logiciels et matériels) pour la rendre efficiente. Ces outils sont actuellement développés et testés par les constructeurs et les organismes professionnels.
Qu’est-ce qui change ?
L’ISO 12647-2:2013 est donc une évolution de la norme initiale qui datait de 2004 et avait été amendée en 2007. On se souvient que c’était suite à ce dernier amendement que les données standard d’impression Fogra 27 avaient mué en Fogra 39. Pour le coup, la version 2013 ne se résume pas à un simple amendement. Elle entend prendre en compte à la fois l’évolution des pratiques du métier, notamment dans le choix des papiers d’impression, et l’évolution des technologies de mesure de la couleur.
Papier non couché
Une des limites rencontrées dans la mise en pratique de l’ISO 12647-2:2004, réside dans les caractéristiques du blanc du papier standard de type 4 (PT 4), c’est à dire non couché. Le papier retenu par la norme en 2004 vire au jaune puisque ses valeurs LAB sont de L = 95 a* = 0 b* = -2 (mesuré en white backing). Or, les papiers offset les plus couramment utilisés apparaissent beaucoup plus « blancs ». Ou bleu devrait on dire puisque leur valeur b* se mesure bien souvent entre -8 et -12. Pour l’heure, la réponse de l’ISO 12647-2:2013 à cette constatation est de retenir une valeur de b* = -4 pour le support d’impression non couché PS5 (pour Print Substrat 5). Ce qui paraît encore assez décalé vis-à-vis des pratiques courantes, en tout cas pour ce qui concerne les imprimeurs en France.
Azurant optique
L’ISO 12647-2:20013 entend aussi tenir compte de la présence d’azurants optiques dans les papiers.
Il s’agit de composants qui réagissent aux ultra-violets, c’est-à-dire aux ondes électromagnétiques qui n’appartiennent pas au spectre visible, mais qui n’en influencent pas moins la vision. Avec eux, les papiers semblent « plus blancs que blancs).
Aujourd’hui, les spectrophotomètres embarqués sur les presses offset ne savent pas tenir compte de ces rayonnements (ils travaillent uniquement en mode M0). Cela va à coup sûr ralentir l’utilisation de l’ISO 12647-2:2013 dans le cadre d’un projet PSO, puisque, dans l’idéal, il faudrait attendre l’équipement des presses en spectrophotomètres travaillant en mode M1. À défaut, force sera de calculer, si cela s’avère praticable, la correspondance entre les valeurs lues par un spectrophotomètre portable en mode M1 lors du calibrage de la presse et celles lues en mode M0 par le spectrophotomètre de la presse en cours de tirage. Bien évidemment, on utilisera également des papiers d’épreuvage contenant ces fameux azurants optiques et, comme source d’éclairage standardisé, des néons projetant une lumière renforcée en ultra-violets à même de les exciter.
Valeur cible
Les organismes professionnels comme la Fogra ou l’ECI (European Color Initiative) planchent aujourd’hui sur la définition de nouvelles données d’impression standard (nom de code Fogra 51 et 52) et sur les profils ICC qui les représenteront. Les valeurs colorimétriques cibles de l’ISO 12647-2:2013 varient peu en ce qui concerne les valeurs solides. En revanche les courbes de gradation de l’impression offset ont été précisées. Leur forme est désormais définie par une formule mathématique et l’engraissement au point 50 % légèrement accrue (16 % au lieu de 14 % sur papier couché).
Enfin, l’ISO 12647-2:2013 laisse désormais le choix entre deux formules pour calculer l’écart entre les couleurs (∆E), le CIE76 (sur lequel s’appuie l’ISO 12647-2:2004) et le CIEDE2000. On devra donc désormais préciser, lorsque l’on parlera de ∆E, s’il s’agit de ∆Eab (« ab » noté en abscisse) ou ∆E00 (« 00 » notés en abscisse). Il n’existe pas de formule pour passer de l’un à l’autre, l’avantage du CIEDE2000 étant de fournir des tolérances autour des valeurs cibles en forme de cercles plutôt qu’en forme d’ellipses comme le fait le CIE76.
Et maintenant ?
Nous le voyons, la mise en oeuvre de l’ISO 12647-2:2013 dans le cadre du PSO ne peut pas être précipitée. D’ailleurs le millésime 2013 ne remplace pas l’ISO 12647-2:2004, les deux normes sont amenées à coexister longtemps à la manière dont par exemple le PDFX/4 peut cohabiter avec le PDFX/1a.
Une fois que les données d’impression standard selon l’ISO 12647-2:2013 et les profils ICC auront été testées et validées par la Fogra et l’ECI, il conviendra d’évaluer l’intérêt ou non de cibler cette norme et, en cas de réponse positive, aborder la mise en oeuvre de façon extrêmement pragmatique. Dans tous les cas de figure, une phase de transition devra être assumée. Longtemps les imprimeurs recevront des fichiers en Fogra 39 qui devront être ou non traités pour s’imprimer selon la nouvelle norme sans pour autant dénaturer l’intention artistique de son auteur. Le passage d’un espace de couleur à un autre par des « devices links profiles » devra donc être parfaitement maîtrisé et un serveur de couleurs de type Alwan Color Hub va devenir de plus en plus indispensable et central pour les traitements en prépresse.